Par Charles Barachon
CULTURES Quelle idée de génie a eu Walter Gropius en 1919 à Weimar ! A ce moment de l’histoire des arts naît le Bauhaus (« maison de la construction »), mouvement ayant pour ambition « construire l’avenir » en contribuant au changement social.
Architecture, design, graphisme, typographie, spectacles vivants : on doit au Bauhaus l'esthétique industrielle, les toits plats, les lignes nettes, la multiplication des fenêtres, les façades blanches enduites, l'absence d'ornement, l'équilibre entre la fonction et la légèreté de la forme. Bauhaus est un monument de la modernité, comme les années 1910 savaient en inventer.
Les tables gigognes de Marcel Breuer.
Mies van der Rohe (photo du haut, la Glass House dans le Connecticut), qui succéda à Gropius à sa direction, Kandinsky, László Moholy-Nagy, Josef Albers ou encore Marcel Breuer ont tous enseigné à l'institut Bauhaus, notamment l’abolition des frontières entre industrie et artisanat.
Transféré à Dessau avant de s'installer à Berlin, fermé par les nazis en 1932, le Bauhaus a influencé le mouvement moderne en architecture, du Corbusier à Mallet-Stevens. Aujourd’hui encore, son esprit plane sur les arts appliqués, les beaux-arts et l'architecture – sur la villa Wiese de Berlin par exemple.
La villa Wiese de Berlin.
Quand Kansai Yamamoto crée le costume de l'Aladdin Sane Tour pour David Bowie en 1973, combinaison noire en vinyle rayée de blanc, il s'agit en réalité d'une moitié de création : le Japonais s'était servi comme véritable modèle de l'un des costumes créés par Oskar Schlemmer pour son Triadische Ballett dans les années 20.
Aladin Sane par Kansai Yamamoto.
Beaucoup plus proche de nous, les designers Muller van Severen et leur fauteuil-étagère-luminaire reprennent l’esprit des tables gigognes de Breuer, maître du tubulaire.
Le fauteuil trois-en-un de Muller van Severen.
Le design de Gesa Hansen, jeune Parisienne d'origine germano-danoise qui a étudié à la Bauhaus-Universität de Weimar, tient autant du style néo-scandinave que des lignes du Bauhaus, à l'image de son canapé convertible en lit.
Le canapé-lit de Gesa Hansen.
En art contemporain, les sculptures et installations de l'Anglais Liam Gillick s'emparent de l'esthétique sobre et fonctionnelle du Bauhaus, tout comme de l'art minimal qui, lui-même, s'est intéressé de près au style dépouillé du mouvement allemand.
Le génie du soulier Pierre Hardy a lui aussi succombé au vivier créatif du Bauhaus, puisque ses espadrilles en jean et cuir bleu et noir Bauhaus Beach envoient un clin d’œil bord de mer à l'avant-garde presque centenaire.
La Bauhaus Beach de Pierre Hardy.
Le graphisme, celui des pochettes d'album en particulier, s'est aussi laissé séduire. Pour leur premier album (De Stijl), The White Stripes ont conçu un environnement qui rend parfaitement compte de l'éternelle empreinte que le Bauhaus a léguée.
L'album «De Stijl» des White Stripes.
Plus austère, moins important et jamais comparable au Bauhaus, le mouvement néerlandais De Stijl a néanmoins posé certaines de ses bases. Près d'un siècle d'influences quand même. Et l’histoire n’est sans doute pas finie…