Par Charles Barachon
CULTURES On peut y vivre ou simplement y pénétrer le temps d'une exposition. Œuvres d'art à part entière, les habitations imaginées par les artistes, grâce à leur distance critique, sont beaucoup plus que des architectures. L'Américain Dan Graham, pionnier du genre, a initié ce registre dès les années 60 à travers ses projets de pavillons ou de résidences dont les façades et les murs sont truffés de miroirs et de vitres sans tain.
Preuve en est avec la Ferienhaus für Terroristen (Maison de vacances pour terroristes, photo du haut et ci-dessous) de l'Allemand Thomas Schütte, plus reconnu pour ses sculptures mais qui a aussi réalisé beaucoup de maquettes d'architecture.
Edifiée en Autriche en bordure d'une forêt de sapins, ses grandes baies vitrées, son intérieur en bois et béton et ses rideaux colorés ont tout de l'esprit moderniste en quête de bien-être. Mais sa forme allongée évoque un cercueil coiffée d'une cheminée improbable qui rappelle le fuselage d'une aile d’avion… Les attentats du 11 septembre, les questions posées par la reconstruction de Ground Zero à New York et la volonté de cicatriser la tragédie de cet événement en constituent le socle.
Œuvre d'art pénétrable mais pas vraiment destinée à être habitée par un particulier, la Narrow House d'Erwin Wurm, adepte des sculptures boursouflées à outrance et d'une critique de la société de consommation gorgée d'humour, avait été présentée dans les jardins du Palazzo Cavalli-Franchetti pour le Biennale de Venise de 2011.
Avec ses airs de maison de montagne standardisée et allongée à l'extrême, son mobilier sur mesure tout aussi long et étriqué, l’œuvre de Wurm bascule du côté d'un songe étrange sorti d'Alice au pays des merveilles.
D'une facture beaucoup plus magique, qui croise l'architecture maya et la géométrie de l'origami, la maison construite par l'artiste mexicain Jorge Pardo dans le Yucatán lui a été commandée par le banquier Roberto Hernandez et sa femme Claudia Madrazo.
Elevée en pleine jungle sur les vestiges d'une hacienda du XVIIe siècle, la maison de Pardo a été pensée comme une œuvre d'art total : les outils informatiques, le look industriel et les savoir-faire de l'artisanat local y font plus que bon ménage.
L'ensemble forme une suite d'expériences spatiales et visuelles aussi kaléidoscopiques que mouvementées dans les motifs, des faïences du sol jusqu'aux meubles dessinées par l'artiste.