Entretien Judith Spinoza
Hubert de Malherbe, vous martelez que le commerce se renouvelle toujours par l’innovation. Quelles sont les prochaines opportunités ?
Les grands gagnants de demain seront ceux qui seront capables de faire passer leurs clients à travers le miroir, de les faire rentrer dans un univers virtuel sous forme d’avatars – on appelle cela les digital twins. D’ailleurs, l’ambition officieuse de Facebook est de modéliser le visage de l’ensemble des habitants de la planète.
Avec Malherbe Paris, vous avez été parmi les premières agences à vous inspirer du modèle du gaming pour imaginer ce commerce du futur que vous qualifiez d’ « enjoué, fidélisant et addictif » ? Quelles mutations lui prédisez-vous ?
Le gaming répond à une injonction générationnelle : expérimenter plus que de posséder. Il y a des mondes insoupçonnés à inventer dans lesquels les produits seront virtuels : vêtements, cosmétiques, voyages… La digitalisation des produits et des expériences est la forme ultime de l’écologie.
Comment ça ?
Dans un monde réel, physique, on consomme en permanence de l’énergie : aller voir une exposition, acheter des vêtements – seconde industrie la plus polluante après le pétrole –, voyager très loin pour une courte durée. L’IA permet de construire un avatar, un digital twin projeté dans un monde virtuel et vivre des expériences en utilisant la technologie des jeux vidéos, À ce moment-là, on pourra, de façon virtuelle, se maquiller, porter des vêtements, voler dans des avions…
Dans combien de temps estimez-vous que les mondes virtuels peuplés d'avatars seront une réalité ?
C’est déjà le cas dans l’univers du jeu avec les MMORPG (jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs - NDLR). Mais le moment où nous allons vivre une confusion absolue entre virtuel et réel se fera avec avec Oculus, détenu par Facebook. D’ici cinq ans, jeux vidéo et réseaux sociaux se confondront. La « vraie » vie aussi.
Aujourd'hui, quelles sont les avancées technologiques concrètes ?
L'Américain Spatial, qui a levé 22,3 M$, permet de créer un espace de travail collaboratif mêlant réalité virtuelle et éléments du réel. La technologie fonctionne grâce aux casques de VR comme l'Hololens de Microsoft ou l'Oculus de Facebook. Concrètement, les participants s'incarnent sous la forme d'un avatar 3D et se partagent des documents, des notes, des maquettes. Ceux qui n'ont pas de casque peuvent se joindre et apparaissent en 2D, comme pendant une visioconférence. Spatial travaille déjà avec des entreprises comme Mattel, le fabricant de jouets, qui l'utilise pour permettre à ses équipes design de mieux travailler grâce à la visualisation 3D.
Quelle est la place de l’Europe dans cette course au virtuel ?
Pas trop mauvaise. Connec2, aux Pays-Bas, propose une technologie de meetings immersifs en réalité virtuelle qui mise sur une technologie de son spatial (360°) pour renforcer l'attention et le sentiment d'immersion. Le Danois MeetinVR propose le même principe de meetings avec des avatars 3D et des environnements modifiables à la demande mais met en avant le côté brainstorming et créatif. Dans l'événementiel, il faut aussi citer l'Irlandais Immersive VR Education qui aide les éducateurs et les entreprises à organiser des meetings ou des classes en live avec un grand nombre de personnes.
La première partie de l'interview d'Hubert de Malherbe est à découvrir ici.