Aurélie Jean, pourquoi le luxe doit-il miser sur l’intelligence artificielle ?
Toutes les industries doivent miser sur l’’intelligence artificielle (IA), sous différentes formes et à différents niveaux. Sans aller vers un solutionisme numérique systématique, comprendre les tenants et les aboutissants des technologies permet de capturer la valeur ajoutée des hommes et femmes de l’industrie et leurs différentiateurs face à la machine, mais aussi de mieux se préparer à de nouveaux disrupteurs technologiques qui arriveraient dans l’industrie en question. Le luxe en fait bien évidemment partie, qu’on parle d’une meilleure connaissance du client et de ses attentes, de la personnalisation des produits et des services, ou encore d’une mode éthique et responsable grâce à la data et de l’IA. Le champ des possibles s’élargit… Les concurrents aussi !
On pourrait envisager la fin des tailles pour du sur-mesure automatisé et intégré au parcours client.
Selon une étude réalisée par IBM en 2017, 85% des interactions en B2C seront gérées par le biais de l’IA d’ici 2020. Concrètement, qu’est ce que cela implique pour le secteur du luxe ?
Une meilleure connaissance du client, pour mieux le servir et lui parler. Pour aller plus loin, on pourrait par exemple imaginer une personnalisation complète du produit pour le client et envisager la fin des tailles pour du sur-mesure automatisé et intégré au parcours client. Selon moi, le luxe va revenir à sa forte valeur ajoutée historique qu’est le service white glove.
C’est-à-dire ?
De mon expérience, il y a beaucoup trop d’enseignes de luxe dans lesquelles nous n’avons plus de service haute gamme, attentionné et à l’écoute. Au contraire, il y a des marques qui ne sont pas luxe qui ont des services délicats et chics. L’IA va encourager – pour ne pas dire forcer – les marques de luxe à retrouver la signature sur laquelle elles se sont construites : le service chic qu’aucune machine ne peut satisfaire car tout est dans le rapport humain émotionnel. L’IA est selon moi une bonne nouvelle pour le retail, et une excellente nouvelle pour le retail de luxe.
L’IA va forcer les marques de luxe à retrouver la signature sur laquelle elles se sont construites: le service chic.
Burberry a été pionnier sur l’IA avec son chatbot en 2016. Quelles innovations s’ajoutent désormais ?
Je me souviens de la marque Burberry qui avait été l’une des premières marques à avoir un site internet interactif, avec vidéos et récits alimentés par des séquences photos intelligemment articulées. Aujourd’hui, on ajoute à l’expérience digitale une utilisation intelligente et respectueuse de la data pour aller plus loin. J’aime bien dire qu’avec le digital, on atteint son client et qu’avec la data, on le comprend.
Les chatbots sont ils particulièrement intéressants ?
Oui, pour servir efficacement les clients sur des problématiques relativement simples, et surtout pour comprendre le comportement des clients et leurs niveaux de satisfaction. Cela étant dit, le chatbot n’est pas une fin en soi. Il faut voir plus large et penser data quand on cherche à faire de l’IA un levier pour mieux fabriquer, mieux vendre – qui ne veut pas forcément dire vendre plus –, mieux écouter, mieux servir et mieux travailler. L’IA en interne dans une entreprise de luxe peut aussi améliorer les conditions de travail des employés, les impliquer dans les processus de réflexion et de développement analytique et numérique.
A lire : « De l’autre côté de la machine - Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes » d’Aurélie Jean (éditions de l’Observatoire).