Entretien Judith Spinoza
Hubert de Malherbe, en quoi le nouvel espace beauté de la Samaritaine Pont-Neuf répond au boom annoncé du commerce physique post-Covid ?
Quatre choses uniques vont générer une création importante de trafic dans ce lieu. La première, c’est qu’au-delà de sa vocation commerçante, la Samaritaine Pont-Neuf est le centre névralgique de Paris. Ensuite, c’est la manifestation d’un héritage car l’espace beauté reprend les codes de ce bâtiment, un chef-d’œuvre de l’Art nouveau et de l’Art déco. Avec ses 3 400 m2, c’est aussi le plus grand floor de beauté d’Europe. Enfin, la Samaritaine Pont-Neuf offre la qualité exemplaire du service LVMH.
On parle beaucoup du « revenge spending », un phénomème de surconsommation post-pandémie. Quel est votre regard sur ce boom du commerce ?
Plus que de la surconsommation, je dirais que ce type de consommation découle du besoin de se retrouver avec des gens, une communauté après plus d'un an de confinement. Le contrecoup de l’isolement, c’est daller à nouveau beaucoup dans les cafés, au restaurant mais aussi dans les centres commerciaux, les rues commerçantes.
Plus généralement, quelle forme va prendre le commerce physique post-Covid ?
Jamais nous ne retrouverons le niveau de commerce physique de 2019. Mais le commerce va se redéployer de façon hyper expérientielle, hyper interactive avec un client ambidextre, toujours un téléphone à la main, qui jongle avec aisance entre le physique et digital, du store au web, et inversement. La génération de nos enfants ne fait aucune distinction entre monde réel (IRL) et monde virtuel (IVL). Le commerce doit prendre en compte cette évolution majeure et casser les frontières entre IRL et IVL.
À quoi vont alors ressembler ces commerces physiques de demain ?
De très petites boutiques et des points de contact où les marques présenteront leurs nouveautés ainsi qu’un assortiment limité de leurs best-sellers vont coexister avec des flagships très experientiels. L’objectif, c'est de diminuer le parc de magasins et de se concentrer sur les emplacements à forte image et à fort trafic.
La plupart des espaces de vente ou show-room physiques des marques vont-ils disparaître au profit du 100% digital ?
Non car une marque non DNVB n’a aucune raison de supprimer sa présence physique mais elle doit de la réinventer et l’optimiser. Un rééquilibrage des ventes off et online est nécessaire pour le confort des clients. Même la grande distribution va fortement évoluer.
Pouvez-vous citer un exemple ?
Dans les grandes villes chinoises, notre client Hema souhaite à terme que ses clients ne viennent qu’une fois sur dix dans les boutiques ! Face à la récurrence des achats, la visite physique des magasins doit se fonder sur la découverte : produits de saison, restauration, cours de cuisine, etc.
Comment l’agence Malherbe Paris intègre-t-elle ces nouvelles exigences dans le design des espaces qu’elle va concevoir ?
Moins mais mieux ! Dès lors que les magasins physiques ne sont plus le seul vecteur de vente des marques, leur nombre va inexorablement baisser et leur qualité, augmenter. Au contraire de ce que tout le monde pense, les magasins de demain vont investir plus de budget au mètre carré et ce, pour le plaisir de tous.
Les espaces commerciaux deviendront-ils des « super centres culturels de la marque » capable d’immerger le client dans la culture de marque mais aussi de le surprendre de manière ludique ?
Oui. Les magasins vont perdre leur vocation purement transactionnelle et évoluer vers des fonctions de super-promotion des marques, permettant à leurs visiteurs de plonger dans une expérience impossible à vivre chez eux au travers de leurs équipements digitaux. La vieille Europe va conserver son retard digital face à l’Asie, au Moyen-Orient aux États-Unis. Ce processus est irrémédiable. Néanmoins, au contraire des États-Unis, la Chine continue de développer un engouement spectaculaire pour le commerce physique, le nombre de très grands centres commerciaux continuant de croître et de performer.
Les marques vont inventer de nouvelles expériences afin de recréer leur univers en ligne
Qu’a changé la pandémie dans la stratégie digitale des marques ?
La nécessité d’en changer ! L’histoire se répète, les marketplaces vont rester très transactionnelles alors que les marques vont inventer de nouvelles expériences afin de recréer leur univers en ligne : immersif et personnalisé.
Qu’est ce qui n’a pas changé ?
L’importance de l'humain. La crise sanitaire a révélé le rôle essentiel des forces de ventes avec le live shopping. Parallèlement, une nouvelle catégorie de vendeurs s’est renforcée : les influenceurs. Dans trois ans, ils vont représenter environ 30 % des ventes en ligne à travers leur activité de social selling.