Entretien Judith Spinoza
LUXE Directrice Développement Environnement du groupe LVMH, Hélène Valade, ex-vice-présidente du développement durable du groupe Suez, détaille les étapes de la politique environnementale du numéro 1 du luxe. Engagement, impact, packaging : à quoi ressemblera le luxe dans vingt ans ? La première partie de l'interview se trouve ici.
Hélène Valade, quelles sont les prochaines orientations stratégiques ou pistes de réflexions qui vont être initiées chez les marques du groupe LVMH ?
L’agriculture régénératrice au sein des filières d’approvisionnement, la circularité créative sont des axes majeurs pour les années l’avenir. Et ils ne sont pas les seuls : nous sommes en train de revisiter en profondeur les codes du packaging. Le secteur parfums et cosmétiques est à la pointe de cette évolution : Parfums Christian Dior innove avec les recharges pour l’eau de toilette Eau Sauvage, par exemple, tandis que le pot en porcelaine d'Orchidée Impériale Black (photo du haut), conçu par la Maison Bernardaud pour Guerlain, est aussi rechargeable, comme le rouge à lèvres premium, Rouge G. La marque propose également des fontaines à parfum qui permettent de remplir son flacon iconique, dit aux Abeilles, personnalisable et en verre recyclé. La traçabilité et la transparence sont également des axes majeurs. Regardez ce qu’a fait Guerlain avec la plateforme Bee Respect. C’est de l’open source, de la traçabilité sur tous leurs produits.
Indiquent-elles une évolution des enjeux ?
L’un des sujets qui est en train de révolutionner l’ensemble de la logistique de LVMH, c'est l’utilisation de transports différenciés. Les produits permanents, ancrés au sein des collections, peuvent très bien voyager par bateau alors que la facilité serait de les acheminer par avion.
Quels sont les plus grands freins aux avancées du groupe ?
La force de l’habitude, peut-être. C’est d’ailleurs pour cela que le groupe a organisé en décembre dernier la LVMH Climate Week, qui s’est adressée à l’ensemble de ses 160 000 collaborateurs. Son objectif était de questionner les habitudes et de diffuser une culture du réflexe environnemental. Pour chacune des fonctions, chacun des métiers, la question est : dans chacun de mes gestes, pour acheter une matière, fabriquer un produit, le faire voyager, qu’est-ce que je peux changer pour améliorer son impact sur l’environnement ?
Une marque désirable, c’est celle qui fait rêver et donne du sens
Désormais, le capital de confiance sociétal va-t-il de pair avec la désirabilité d’une marque ?
Je suis par ailleurs présidente de l’ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises) et il est clair que cette crise a doté les entreprises d’un vrai capital de confiance sociétal : en apportant des solutions à la crise sanitaire, elles ont apporté des preuves concrètes de leur engagement dans la société. Et il se marie très bien avec la désirabilité d’une marque : une marque désirable, c’est celle qui tout à la fois fait rêver et donne du sens.
Comment le mesurez-vous ?
Vous avez vu ce qui s’est passé au début de la crise sanitaire, quand nos employés ont eu l’idée de transformer ateliers de couture et usines de cosmétiques en fabriques de masques et de gel hydroalcoolique ? Ces initiatives spontanées ont pu surprendre, parce que nous allions sur un terrain qui n’était pas le nôtre. L’engagement des collaborateurs et des talents d’une manière générale, c’est cela le vrai marqueur.
Dans vingt ans, le luxe aura une relation beaucoup plus intime avec la nature
Comment envisagez-vous le luxe d’ici vingt ans ?
Dans vingt ans, le luxe aura une relation beaucoup plus intime avec la nature. Et puis il aura renforcé ces caractéristiques originelles : la rareté et l’éternité. En favorisant la création de nouvelles matières, en dotant chacun de ses produits d’une seconde, voire d’une troisième vie. Le modèle de la circularité, qui est probablement le moyen le plus efficace pour préserver les ressources naturelles et précieuses, est une source de créativité inépuisable. Nous n’en sommes qu’au début.
La première partie de l'interview d'Hélène Valade se trouve ici.