ILLUSTRATION Avant de se coller au collage, c'est à la contemplation que Jocelyn Collages s'est consacré avec ardeur. Diplômé de Lettres modernes, il a procrastiné souvent, travaillé aussi: journaliste à RTL2, auteur contrarié de sketches qui ne faisaient rire que lui et ses chats, iconographe à Siné Hebdo... Ses influences: les dadaïstes, Alphonse Allais, les Monty Python, François Rollin et un zeste de Prévert. Du caustique et du drôle, du poétique et du sensible qui affleurent au fil de ses productions publiées dans Libération, Causette ou Psychologie Magazine.
Jocelyn, tes illustrations sont à la fois des collages et des « chiffonnages ». Je me trompe ?
Aucun trouble visuel de ton côté, c’est bien ça. J’alterne ou je mixe les collages classiques – qui consistent à détourner les images existantes, à créer des distorsions pour leur conférer un autre sens – et le chiffonnage – autrement dit l’art de la boulette de papier ! Cette dernière pratique s’est imposée à moi plus que je ne l’ai cogitée : un jour, faute d’idée, j’ai arraché les pages d’un mag et de rage, je les ai froissées. J’ai eu immédiatement la sensation que dans cette version chiffonnée, le papier revivait. Malmené, trituré, il donne aux images un effet 3D et il s’offre une seconde vie. En creux, c’est aussi une façon de refuser la mort du papier, de le célébrer à l’heure de ses funérailles annoncées.
Tes images parlent de la société d'aujourd'hui mais avec détachement, presque de la mélancolie envers une époque ancienne. Pourquoi ?
Les images que j’utilise sont souvent puisées dans les magazines de années 50 à 70. Elles sont en phase avec l’euphorie et l’optimisme de l’après-guerre et d’avant la première crise pétrolière. En les propulsant dans notre époque, en m’en servant pour illustrer l’actualité hyper anxiogène du moment, je crée un décalage qui va bien au delà de la mélancolie. L’idée n’est pas de s’inscrire dans le réac air du temps sur fond de « c’était mieux avant » mais de provoquer un choc graphique susceptible de faire rire, réfléchir ou même les deux ! L’intention, c’est de faire du neuf avec du vieux mais surtout pas de reproduire.
Les illustrations sont plus caustiques, plus grinçantes que les photos.
On a l'impression que l'illustration est de nouveau très à la mode et qu'elle a rattrapé son retard sur la photo…
Si l’illustration redevient tendance, c’est peut-être parce qu’elle coûte moins cher aux rédactions exsangues que la production photo ! Et puis, en faisant du vintage, nous épargnons la planète : pas d’arbres abattus pour nous, puisque nous recyclons, et une empreinte carbone quasi nulle puisque nous bossons à domicile. Plus sérieusement, les photos aujourd’hui publiées dans les journaux sont presque toutes issues des mêmes banques d’images : du Net au papier, les gens voient les mêmes choses partout. Les illustrations, elles, sont moins accessibles et semblent donc plus singulières quand on les découvre. Elles sont peut-être aussi plus caustiques, plus grinçantes et font écho à la défiance de l’opinion vis à vis des institutions.
C'est quoi la réalité d'un illustrateur de presse aujourd'hui ? Envisages-tu de travailler pour des campagnes ou des marques ?
Si on se cantonne à la presse, la réalité, c’est la dèche ! Bien sûr, on peut bosser hors-frontières, dans des pays comme l'Italie ou les Etats Unis: le collage y est moins marginal et il bénéficie de plus de visibilité et de crédibilité. Ici, on pâtit encore du symptôme bricolo-macramé. Quant à bosser pour des marques, pourquoi pas s’il y a moyen de s’amuser avec les stéréotypes et de se jouer des codes en vigueur. Aujourd’hui, sur le plan graphique, les campagnes sont souvent indigentes donc il y a un espace à investir.
Y a-t-il une vie après le vintage ?
Le vintage est par définition immortel puisque ce qui est tendance aujourd’hui deviendra ringard demain et vintage après-demain. Le vintage, c’est l’art du jour d’après et, sauf fin du monde, il y aura toujours un jour d’après.