LUXE Fortement impactées par la génération Z, trois tendances majeures se détachent dans l’univers du luxe. Point commun : le rôle prépondérant du digital qui révolutionne les lois traditionnelles du marketing. Tout est ici decrypté par Béatrice Mariotti, vice-présidente de l’agence Carré Noir et membre du Luxe Pack Trends Observer.
Béatrice Mariotti, la première tendance-clé de 2019 que vous évoquez est l’hypericonisation. Qu’est ce que c’est ?
C’est le retour aux grands fondamentaux du luxe. L’hypericonisation des marques patrimoniales est appréciée des nouvelles générations pour ses dimensions de marqueur social et d’expression du succès revendiqué. Je parle ici de marques comme Rolex, Versace, Lacoste ou YSL Makeup.
Rolex, toujours au top chez les Z.
Vous pointez le « post-digital » comme seconde grande tendance du luxe en distinguant plusieurs mouvances…
En effet. Le temps où l’on opposait physique et virtuel, artisanat et nouvelles technologies est fini. Il y a d’abord le « phygital », désignant l’expérience « augmentée » au sens large qui est devenue une nouvelle convention s’invitant jusque dans les lieux sanctuaires. Par exemple, Mumm qui organise un rituel de dégustation du champagne en apesanteur de la cuvée Grand Cordon Stellar. L’autre mouvance est incarnée par les « makers au carré », une jeune génération de designers-artisans qui mêlent le savoir-faire artisanal de leurs pairs aux technologies contemporaines.
Mumm, décollage pour 2019.
La personnalisation est la troisième tendance du luxe que vous mettez en avant…
Oui, le luxe et la standardisation ne font pas bon ménage. La préférence va aujourd’hui aux marques qui prennent en compte la singularité. La cocréation n’est pas un vain mot pour les jeunes générations, y compris dans le domaine du luxe. Ils apprécient les objets « ADN » quitte à mettre la main à la pâte : les parfums Sillage invitent à créer sa propre fragrance (photo du haut) ; les sacs Pigeon-Coq organisent des ateliers DIY ; W&P Design propose un kit pour faire son propre gin.
Le gin DIY selon W&P Design.
La cocréation n’est pas un vain mot pour les jeunes générations
Toutes ces tendances corroborent le système de valeur dégagé par l’étude « Gen Z, réconciliation, régénération », sortie en juin. Vous allez même plus loin en affirmant que les plus jeunes sont désormais les tuteurs de leurs aînés…
En effet, la génération Z pratique l’art de la réconciliation. Une réconciliation qui décloisonne un monde où s’opposaient anciens et modernes, sacré et profane, autorité et proximité, autocélébration et discrétion, engagement et renoncement. Ils rebattent les cartes, créent de nouveaux ponts. Ces « enfants du nouveau siècle » ont une maîtrise innée du digital qui n’est plus pour eux ni un enjeu ni un combat mais un outil matriciel. La décontraction avec laquelle ils l’utilisent, le pouvoir d’autonomie et d’autodétermination qu’elle procure exaltent leur sens de l’action, de l’interaction inventive. Avec la révolution digitale, les plus jeunes sont devenus, de façon tout à fait inédite, les tuteurs de leurs ainés.
Jusqu’à devenir les tuteurs du luxe ?
C’est une génération agissante, déterminée, influente, qui souffle un vent frais sur le savoir-faire, la réussite, l’engagement, le rapport à soi et aux autres, l’ici et l’ailleurs. Dès lors, s’ils plébiscitent les grandes marques de luxe pour l’ancrage et l’excellence qu’elles représentent, ils n’acceptent plus les tours d’ivoire où leur voix ne peut se faire entendre.
QUELQUES MARQUES QUI ONT TOUT COMPRIS AUX TENDANCES 2019 :
Rolex.
YSL Beauty.
Mumm.
Sillages.
Le Pigeon Coq.
W&P Design.