Par Judith Spinoza
BEAUTÉ En novembre 2020, L’Oréal lançait Signature Faces, une gamme de maquillage virtuel pour sublimer le visage pendant les visioconférences. Disponible sur les principales plateformes d’appels vidéo d’un smartphone ou d’un ordinateur, cet outil virtuel permet, en activant la caméra et le mode selfie, de tester une dizaine de filtres pour les yeux, lèvres ou cheveux.
Objectif ? « Briser les limites du maquillage classique » et s’adapter à « nos nouveaux modes de vie numériques », indique le groupe, ajoutant : « Des looks qui ne peuvent être réalisés qu’en ligne, ce qui dévoile une toute nouvelle expérience du maquillage moderne. »
Plus que l’adaptation à de nouveaux usages, cette expérience intègre le boom de la beauté digitale sur les réseaux sociaux. Ses codes révolutionnaires sont pourtant à rebours de l’esthétique classique et normée de grandes marques de cosmétique. Pas question de se limiter à appliquer numériquement une ombre à paupière ou un coup de rouge. Surnaturelle, la beauté virtuelle des influenceurs prône l’excès et l’inventivité, quitte à transfigurer totalement un visage.
À coup de filtres de réalité augmentée (Beauty 3 000, Turfu, Zoufria, Narcisse), les avatars mi-cyborg mi drag-queen de l’artiste digitale Johanna Jaskowska fusionnent technologie et glamour. Les créations ultrafuturistes d’Ines Marzat, alias Ines Alpha, utilisent des filtres que cette directrice artistique et artiste 3D a créé pour Snapchat. Résultat : elle a séduit les marques comme Nike, Bimba et Lola ou Bobbi Brown pour leurs campagnes.
« On peut jouer à remplacer le visage par du vide, voir à l’intérieur d’un visage, le découper en morceaux ou faire flotter différents visages. Le maquillage 3D donne beaucoup de liberté et a un pouvoir transformateur considérable », explique ainsi l’Instagrameuse Ines Alpha.
« J’essaye, je teste tout, ajoute de son côté Johanna Jaskowska, grande « gameuse » habituée à manier ces technologies pour des jeux virtuels. Objets connectés, réalité augmentée, réalité virtuelle… Le futur et les technologies me fascinent. J’aime voir comment elles transforment nos corps et la société. »
Loin de démocratiser « une forme de beauté inaccessible », l’utilisation du maquillage digital permet la création d’une nouvelle identité numérique : le pouvoir de la liberté, oscillant entre déconstruction des normes esthétiques et la défense de l’inclusivité.
La beauté est une lente conquête de territoires et d’objets
« De nombreux artistes qui m’inspirent utilisent le maquillage physique pour transformer leur visage dans un sens qui subvertit les normes, les genres et les habitudes de beauté », détaille Ines Alpha.
Comme l’indique le sociologue Georges Vigarello dans Histoire de la beauté : le corps et l'art d'embellir de la Renaissance à nos jours, l'histoire de la beauté est « une lente conquête, une lente découverte de territoires et d’objets ». À l’instar de la mode qui décline ses looks sur les avatars de jeux virtuels, la beauté digitale sera-t-elle le prochain terrain de jeu des griffes de luxe ?
LE TOP DE LA BÉAUTÉ NUMÉRIQUE :
Ines Alpha sur Instagram et sur ses sites et ici.
Johanna Jaskowska.
Dazed Beauty.