Par Charles Barachon
DESIGN Avec les métiers de l’artisanat comme nouvelle coqueluche, le design d’aujourd’hui ne pouvait pas faire abstraction du verre soufflé, sa noblesse et sa magie.
Du sable de la Somme qu’utilise la grande maison Venini à Murano aux objets soufflés bouche qui en sortent et leurs formes parfois chimériques, toute l’alchimie de cet artisanat trouve un second souffle, principalement dans le vase et le luminaire.
Même les metteurs en scène y succombent, à l’instar de Robert Wilson qui présentait en novembre dernier ses vases impressionnants de sobriété emprisonnant la lumière comme la matière à la galerie Downtown, à Paris.
L’Américain avait confié le soufflage à Lino Tagliapietra, un Italien né dans la lagune vénitienne, à Murano précisément. Dans le genre tombé dedans tout petit, difficile de faire plus explicite. Dans les créations nettement plus colorées de ce maître verrier, on sent toute la maîtrise et la part de créativité nécessaires pour atteindre ce genre de top niveau.
Le verre soufflé, qui « coule comme le miel » quand il est encore proche des 1 000°C, « aime les courbes » et les formes sinueuses, raconte très bien Erwan Bouroullec à propos des vases en losange de la série Ruutu que lui et son frère ont conçu chez Iittala, une très grande verrerie d’art finlandaise.
C’est là-bas, en 1936, que le géant du modernisme scandinave, Alvar Aalto, a vu naître son fameux vase aux lignes calquées sur la nature, juste avant qu’il ne rejoigne le restaurant Savoy de la capitale finlandaise.
Plus ludiques, les vases des M (une lettre sous laquelle se cachent les designers Céline Merhand et Anaïs Morel) pour Carpenters Workshop Gallery et leurs couleurs primaires en suspension boxent aussi dans la catégorie « merveilles soufflées bouche ».
Incontournable pour les grands designers, le verre soufflé fait un retour en grâce, sans doute aidé par cette magie qui enveloppe le processus de sa fabrication.
Sorti cette semaine dans les salles de cinéma, Heart of Glass consacre d’ailleurs un documentaire entier à Jeremy Maxwell Wintrebert (vidéo ci-dessus et photo du haut), grosse pointure de la discipline qui a fondé sa verrerie (Au Four) l’an dernier à Paris.