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«L’écoresponsabilité, c’est cher»

Entretien Judith Spinoza

Hubert de Malherbe, vous êtes le fondateur de l’agence de design Malherbe Paris. Quel est le principe de la collection GreenKiss conçue avec Thierry Lemaire et Paolo Castelli ?
Il tient dans son nom : « green », car le secteur du meuble est encore assez en retard sur le plan environnemental, et « kiss », parce que nous avons choisir de réagir de manière concrète à l’enjeu environnemental.

Cette ligne est une ligne de mobilier qui met à l’honneur les matériaux recyclés et organiques. Lesquels ?
Rembourrage en caoutchouc biologique auto-extinguible, ouate naturelle, sangles en jute, frêne avec finition acétique, mousse organique auto-extinguible, avec frêne éco-durable, traitement au vinaigre, plateaux de tables en chute de pierres de béton concassée avec du liant à base de chaux… Nous avons aussi privilégié les chaînes de production éthique, c’est-à-dire le savoir-faire artisanal made in Italy.

La Egg Table. © D. Delmas

La Egg Table. © D. Delmas

Pourquoi s’agit-il de la « première collection de design écoresponsable » ?
Parce que c’est une une ligne entière qui ne pue pas le plastique ramassé sur la plage ou qui ressemble à des sièges en capsules de bière. Il faut que ce soit beau.

Beau et éthique ?
Oui. Il n’y a pas de limite à l’élégance lorsque l’on utilise des matériaux nouveaux et surprenants.

Pour autant, le mobilier, comme le design de boutiques dites-vous, n’en est qu’à ses balbutiements. Pourquoi ?
Parce que personne ne sait vraiment évaluer vraiment leur impact écologique réel. Par exemple, je ne sais toujours pas si l’utilisation du béton est bonne ou non. Je sais qu’il est indiqué pour des surfaces faibles, qu’il se fait localement, mais que la trace carbone du ciment est très mauvaise. De la même façon, un abat-jour réalisé à partir de feuilles de bananier semble une bonne idée, alors leur transport est une aberration écologique.

L’écologie doit s’intégrer dans une logique de vie consumériste


Vous dites que le 100% écologique n’est pas possible. Pourquoi ?
À cause du coût et parce que la notion d’écologie est comportementale. On prend des avions, on consomme… L’écologie doit s’intégrer dans une logique de vie consumériste. La déco, par exemple, s’adresse à une clientèle aisée qui surconsomme – elle change son intérieur, achète des fournitures plus souvent, et donc pollue plus à cause des matériaux et du transport.

Un fauteuil green (mais blanc).

Un fauteuil green (mais blanc).

À quoi ressemblera le design du mobilier de demain ?
Plus de légèreté, de finesse, par soucis d’économie de matériaux. Des défauts acceptés ou cachés dans le bois, la pierre ou dans l’acier, comme nos tables en pierre grise avec des macro-fossiles. Enfin, du mobilier démentelable afin qu’il soit recyclé plus facilement.

Vous êtes co-designer de la ligne GreeKiss mais plus largement, l’agence Malherbe a pour clients des marques de retail, par exemple le design de boutiques du groupe LVMH. Quelle est la part d’écoresponsabilité dans les projets que vous présentez ?
À l’agence, tous les projets doivent avoir une dimension écologique. C’est le cas pour les boutiques Bernardaud à Séoul (voir photos), Dior beauté (photo) ou des éléments de malls en Chine que nous avons conçus. Dès qu’on peut, on se bagarre pour intégrer la dimension écologique.

La boutique Bernardaud à Séoul.

La boutique Bernardaud à Séoul.

Plus généralement, quelles sont les autres limites de design écoresponsable ?
Le coût, surtout dans un contexte post-Covid ! Pour du mobilier, c’est plus cher à produire, donc les marges sont plus faibles. Dans une boutique, si on choisit d’utiliser des laques avec des résines naturelles au lieu de résines phénoliques, c’est 50% plus cher. Enfin, il y a le problème de l’image pour les marques : si ça ne se voit pas, pourquoi le ferait-on ?

Vous dites que le luxe est en retard sur le digital mais en avance sur l’écologie.…
Oui. Par exemple, la plupart des boutiques de luxe prennent en compte le principe d’économie d’énergie. On est sur de la consommation faible – obtention de plus de contraste avec moins d’éclairage. Ce mouvement a été initié par les foncières (immobilières) qui, depuis trois ans, ont commencé à demandé une réduction de la consommation par soucis d’économie.

Quelle est alors la responsabilité des designers ?
Concernant la responsabilité écologique, je dirais qu’elle est très relative car c’est d’abord le mandataire qui décide et le principe de faisabilité qui commande. Par exemple, on peut utiliser des colles non bio-sourcées. Même si on accepte ce surcoût, les fournisseurs ne sont pas forcément équipés et, par ailleurs, cela prend trois mois de plus.

La boutique Dior.

La boutique Dior.

La solution ?
Il faut que les métiers de la création prennent le pouvoir. Les designers sont au service du business alors qu'il faudrait qu'ils soient intégrés aux boards, qu’ils mettent en avant l’innovation, qu’il aient un pouvoir décisionnaire. Qu’ils ne soient pas identifiés comme un maillon de complication mais de fluidité capable d’orienter vers le mieux et le moins.

LA COLLECTION GREENKISS:
https://www.malherbe-edition.com/fr/285-greenkiss

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