Par Judith Spinoza

LUXE Dans sa seconde étude Observatoire du monde qui arrive, Eric Briones, spécialiste des tendances et cofondateur de la Paris Luxury School, dresse les conséquences des changements que le confinement engendre, et la stratégie des grands groupes de luxe qui en découle. Il pointe aussi cinq nouvelles typologies de consommateurs. Quels sont leurs caractéristiques et leur credo de consommation ? Voici ses éléments de réponse.

LA NEO SPREZZATURA

Rupture de stock chez Moda Operandi.

Ce sont les privilégiés du confinement, les « nouveaux dandies » obsédés par le style qui continuent à consommer on-line alors qu’en France, 76 % des sites de e-commerce enregistrent depuis le 15 mars un recul significatif des ventes. Priorité au « loungewear » (pyjamas, jogging et autres pièces confortables se placent au top des tendances du moment), au homewear (déco, bricolage), au software (applications comme Zoom ou Houseparty ainsi que les jeux vidéos). Le site Moda Operandia, par exemple, affiche une hausse de 85% sur les sweatpants et de 80% sur la décoration.

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LE SURVIVALIST CONSUMER
La tribu dominante, partout dans le monde, qui se caractérise par le rationnement et le sentiment de peur, quels que soient les revenus de ceux qui la constituent. Pour le survivaliste, « le luxe absolu, c’est d’être autosuffisant », explique Eric Briones. Et s’il consomme, il a besoin d’être rassuré.

Ruée sur StockX.

Conséquence sur le luxe ? « Le développement d’expériences client “sans risque” comme la réalité virtuelle ou les boutiques avec un air purifié, ainsi que la visionnaire Stella McCartney l’avait fait dans son flagship londonien en juin 2018 », détaille Briones, qui y ajoute une dimension économique : « Le survivaliste adopte une posture d’investisseur qui achète du luxe classique dont le potentiel de revente sur le marché de la seconde main est assuré. Les valeurs sûres : un sac Kelly ou des sneakers collector du site StockX, dont les ventes n’ont baissées que de 4% depuis la crise du Covid-19. »

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LE POWERFUL NON-BUYER
Selon la papesse des tendances, cette tribu, qui suit le credo de la déconsommation, est en train de prendre un poids considérable. « La consommation est en quarantaine », explique-t-elle, pariant sur une année zéro de la consommation, notamment le luxe.

Slow fashion.

« Tout à coup, les défilés de mode ont l'air étranges et hors de propos, les publicités d’agences de voyage qui pénètrent nos pages web semblent intrusives et ridicules, clame-t-elle. Il semble que nous allons apprendre à être heureux en redécouvrant nos vieilles pièces préférées. » Si le « powerful non-buyer » achète moins, il achète mieux : une robe ou un sac certifiés « slow fashion » (collections qui respectent la saisonnalité, matières durables, etc.) feront son bonheur.

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LE WESTWORLDIAN

Vuitton x League of Legends.

Pour les westworldians, la vie digitale importe plus que la vie réelle. Les avatars lookés en vêtements digitaux (100% non-polluants) avaient déjà attiré les grandes marques : le partenariat Vuitton et League of Legends en 2019 ou la collaboration Fortnite x Jordan la même année. Avec l’annulation de la plupart des grandes compétions sportives, vraisemblablement transformées en événements 100% on-line, c’est une aubaine pour accélérer la version digital fashion du secteur luxe.

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THE END OF THE F# WORLD

#barechested

Inspirée par le nom d’une série télévisée britannique, cette tribu émergente va grossir avec la paupérisation des populations affectées économiquement par le Covid-19. À l’antithèse du stress et des questionnements des autres groupes, elle « souhaite vivre ou survivre à n’importe quel prix, souligne Eric Briones. Pourtant, elle est paradoxale car elle rassemble à la fois les “punks 2020”, qui rejettent toute restriction de consommation, et les individus très appauvris, pour lesquels toute considération éthique importe peu face à la simple survie. »