Entretien Judith Spinoza
La parfumerie de niche a le vent en poupe. Rencontre avec Stéphanie Vignes, fondatrice de l’agence de nez Grace, qui promeut la carrière et l’indépendance créative d’artistes-parfumeurs.
Stéphanie Vignes, quel est le champ d’action des artistes-parfumeurs ?
C’est un modèle court et agile qui remet le parfumeur et son indépendance au centre de la création. Un modèle qui lui permet de sélectionner les ingrédients auprès des producteurs, de se concentrer sur la transparence, l’innovation et la liberté créative.
Qu’est-ce qui a changé dans l’industrie de la parfumerie traditionnelle ?
L’industrie de la parfumerie s’interroge. D’une part, elle est attentive aux industries adjacentes comme la mode, le design, dont elle s’inspire : être plus respectueuse de la planète, plus proche des consommateurs. Un mélange d’enjeux écologiques et/ou de simples raisons de communication qui la pousse à éduquer le consommateur sur le processus de fabrication d’un parfum.
D’autre part, elle est attentive au développement et au fonctionnement de la parfumerie de niche qui a pris une place importante sur le marché ces dix dernières années.
Enfin, la qualité olfactive des fragrances progresse vers toujours plus d’émotion : le pouvoir du parfum fait chaque jour la preuve de son efficacité dans des domaines parfois inattendus comme dans le marketing olfactif qui accompagne les marques, les sites culturels, les événements…
Pour quelles raisons les artistes-parfumeurs ont-ils le vent en poupe ?
L’artiste-parfumeur est sorti de l’ombre il y a une vingtaine d’années, notamment grâce à la parfumerie de niche qui s’est distinguée en le revendiquant – Frédéric Malle est l’un des premiers à l’avoir fait en 2000 (photo du haut). Aujourd’hui, nous sommes dans une ère ou l’incarnation tient une place importante : les consommateurs ont envie de connaître le créateur, à l’instar des designers ou autres directeurs artistiques dans la mode.
On a pourtant l’impression que se faire connaître est l’un de leurs principaux problèmes…
C’est un vrai sujet ! Il y a un tel retard au niveau de la communication des parfumeurs. Très peu sont connus du grand public. Cela reste encore compliqué, même pour un professionnel, d’identifier le parfumeur avec lequel il a envie de travailler puisque pendant des années ils étaient considérés comme des travailleurs de l’ombre. Seules les maisons de compositions qui emploient les parfumeurs étaient connues. Mais tout ceci est en train d’évoluer : le Top 5 de ces grosses entreprises commencent à citer leurs parfumeurs. Depuis six mois environ, elles publient leurs photos en lien avec leur plus gros succès. Je pense notamment à Symrise avec leur compte lifestyle ou à celui d’IFF (International Flavors and Fragrances).
Peut-on définir les artistes parfumeurs indépendants comme de la « slow parfumerie » ?
Si nous prenons les termes de « slow parfumerie » comme un design d’organisation, oui, bien sûr.