IDÉES Les chiffres sont parfois de très mauvais amis. Par exemple, une étude découverte sur ce site m’a récemment laissé dubitatif. Il y était dit qu’en 2014, sur trente marques de luxe observées, seulement 6% de leur chiffre d’affaires avait été réalisé avec les ventes en ligne. En lecture brute, c’est peu, voire insignifiant.
Mais regardons l’envers de ce chiffre en le mettant en perspective avec un autre : 75% des achats luxe sont influencés par le digital. Tirons-en une leçon – l’influence digitale (images vues, contenus consommés) ne se mesure que sur le business global – et traçons une ligne de fuite – nous sommes entrés dans l’ère du postdigital.
Jacques-Antoine Granjon, boss de Vente Privée.
Un pure player e-commerce est condamné s’il reste purement digital.
Lors d'un de mes cours chez Moda Domani Institute, j'ai eu la chance de recevoir Jacques-Antoine Granjon, le fondateur du site Vente Privée, qui a insisté sur deux points fondamentaux :
1) La part du e-commerce ne dépassera jamais 30% dans les échanges globaux.
2) Un pure player e-commerce est condamné s’il reste purement digital.
De ces deux observations naît une certitude : il faut avoir une existence dans le monde réel pour perdurer, comme le démontre le site Ali Baba (l’Amazon chinois, pour aller vite) en achetant des réseaux de magasins en Chine ; Amazon, lui, a l’ambition de prendre prochainement possession d’un réseau physique ; Vente Privée se diversifie, elle, dans l’événementiel avec l’achat de deux théâtres (on y joue des pièces mais on y organise aussi des événements business).
C’est cela, le postdigital : la disparition des frontières entre les mondes réel et virtuel. On n’est plus ni dans l’un ni dans l’autre mais dans les deux à la fois, comme a su le faire Rebecca Minkoff.
Le digital souffre d’une grosse lacune : il a du mal à faire naître l’émotion pure. Le consommateur, lui, rêve le magasin physique comme d’un lieu « digitalement augmenté », avec plus de conseils, plus de services, plus de surprises. Nous vivons dans un monde d’immersion et l’acte d’achat doit être un long plan-séquence d’expérience.
Matrix est mort, vive le postdigital !
Eric « Darkplanneur Briones » est planneur stratégique et le co-auteur du livre « La Génération Y et le luxe ». Il vient de sortir son deuxième livre, « Luxe et Digital », écrit sous sa direction (éditions Dunod).