Entretien Judith Spinoza
FUTURS Baptisée Heuritech, la start-up de Tony Pinville est devenue une des chouchous de la mode, du sport et du luxe. Cette plateforme d’intelligence artificielle est utilisée pour prévoir les tendances des produits et leur comportement pour les prochaines saisons.
Photo: Edouard Jacquinet.
Tony Pinville, quel est le principe de cet algorithme ?
J’ai cofondé Heuritech en 2013 avec mon associé Charles Ollion, après notre thèse en machine learning. Nous avons décidé d’appliquer l’intelligence artificielle au secteur de la mode en développant une technologie de reconnaissance d’images spécialisées. Chaque jour, nous analysons plusieurs millions d’images sur les réseaux sociaux pour capter ce que les consommateurs et les influenceurs portent aujourd’hui et vont vouloir porter demain.
Quel genre de clients cela peut-il intéresser ?
Le luxe, le sport, la mode. Historiquement, notre premier client luxe est Louis Vuitton, avec qui nous avons coconstruit la première version de notre logiciel. Pour les autres, nous sommes tenus pas la confidentialité. Mais pour tous, notre logiciel leur permet d’améliorer toutes les étapes de leur production, du design de la collection à la collection suivante.
Notre algorithme est très efficace pendant les fashion weeks
C’est-à-dire ?
Au moment du design de la collection : s’assurer d’inclure toutes les tendances-clés ; acheter ensuite en bonne quantité pour s’adapter eu mieux à la demande future ; réaliser son prélancement au bon moment et sur la bonne géographie ; mesurer la vitesse de propagation du produit au moment du lancement ; analyser enfin les performances produit afin d’anticiper les futures tendances de vente de la prochaine collection.
A quel moment utilisez-vous le plus votre algorithme ?
Pendant les fashion weeks. En moins de quarante-huit heures, nous sommes capables d’identifier les réactions sur les réseaux sociaux, d’anticiper les performances commerciales des nouveaux produits, et donc les quantités à lancer en production avant le début du showroom. Ce calcul repose sur plusieurs dizaines d’indicateurs-clés : par exemple, le nombre de posts, le nombre de fois où le produit est mis en avant par les consommateurs sur une image et non sur un look entier, etc. Ces résultats nous permettent de mieux comprendre le cycle de vie des produits. Damien Bertrand, directeur général de Christian Dior Couture, a très bien résumé cette problématique à propos du sac Lady Dior : « Nous avions des intuitions que nous voulions tester, Heuritech nous a aidé à valider ces intuitions.
Souriez, votre look est analysé.
Peut-on dire qu’il s’agit d’IA prédictive ?
Oui, nous pouvons prédire les tendances jusqu’à un an en avance. Pour ce faire, nos algorithmes de prédiction sont entraînés sur cinq ans de données historiques et des milliers de tendances établies en fonction de qui porte quoi – par exemple, Billie Eilish habillée en Burberry dans une interview, une micro-influenceuse qui se prend en photo avec une robe liberty… Cela nous permet d’avoir une précision de 90% dans nos prédictions de tendances. Par ailleurs, une étude de McKinsey explique qu’intégrer l’intelligence artificielle pour la planification de la demande pourrait optimiser l’inventaire de 20 à 50%.
La suite de l'interview de Tony Pinville dans un prochain post.
Heuritech : www.heuritech.com/fr/